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L’impact possible des classes bilangues sur le choix du latin en 5e

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Une classe « bilangue » (et non bilingue) est une classe de 6e ou 5e où se fait l’apprentissage à part égale de deux langues, en général allemand et anglais (72% en 2004 [1]). En 4e, ce sera plutôt l’allemand qui sera la première langue et l’anglais la deuxième langue.

Les motivations qui sont à l’origine du développement de ces classes sont le désir de créer des possibilités d’amélioration de l’étude des langues par l’apprentissage simultané de deux langues proches par certains aspects, l’anglais et l’allemand [2]. De plus, si l’anglais est une nécessité reconnue par tous, l’allemand prend une grande importance aujourd’hui dans le cadre européen car l’Allemagne est le premier pays en termes d’échanges économiques avec la France.

En 2004, une évaluation [3] a été faite sur les expériences d’enseignement simultané d’où il ressort que  l’origine de ce dispositif se trouve en Alsace où l’apprentissage de l’allemand a toujours joué un grand rôle pour des raisons évidentes, mais où l’anglais a été perçu aussi comme tout autant indispensable. Depuis 1994, il était possible en Alsace de faire de l’anglais et de l’allemand dès la 6e et 32% des élèves étaient dans ce cas. De plus il était possible ainsi de faire de l’anglais en 6e tout en continuant l’apprentissage commencé au primaire d’une autre langue.

Le rapport note aussi qu’une des motivations de ce développement récent est liée au désir de créer ainsi des pôles d’excellence dans des collèges défavorisés afin de lutter contre les départs massifs des parents qui veulent les éviter.

« De nombreux observateurs signalent cependant le danger potentiel de voir se transformer ces dispositifs en nouvelle filière élitiste, en particulier si cette disposition n’est pas étendue à tous les élèves. On observe que les résultats de ces élèves aux évaluations en français et mathématiques en sixième sont globalement supérieurs à la moyenne des élèves de l’établissement bien que des cas individuels différents soient aussi constatés. » (rapport p.7)

Il semble aujourd’hui (données observées à la rentrée 2009), que  le dispositif soit en train de s’étendre puisqu’il concerne 12% des élèves [4]. Observons cette remontée de l’enseignement de l’allemand première langue qui a été rendue possible par cette structure et comparons, à années égales c’est-à-dire en 5e, avec les effectifs de l’option latin. On a les résultats suivants [5] :

Sources : Repères et références statistiques annuels du Ministère

Ce graphique prend en compte la progression de l’allemand par le biais des classes bilangues, mais il met aussi en avant la décroissance récente des effectifs d’élèves prenant l’option latin en 5e. Cependant, la décroissance visible des effectifs sur le graphique est plus liée à la démographie des élèves à ce niveau du collège, qu’à une baisse des pourcentages qui passent seulement de 23,3% en 2004 à 22,1% en 2009. Il faut cependant réfléchir au problème dès maintenant parce qu’à terme, il pourrait y avoir une permutation des choix. Plusieurs raisons peuvent être avancées en ce sens :

– étudier deux langues en même temps en 6e demande un travail supplémentaire et, une fois cette option prise, on peut penser que ces élèves ne voudront pas se charger d’une option supplémentaire, comme le latin en 5e

– le but de nombreux parents est, par un travail supplémentaire, de faire en sorte que leur enfant se trouve stimulé par une ambiance de travail scolaire propre à toutes les options de ce type. « Être avec les meilleurs » a toujours été une des raisons explicites du choix du latin. Si cet objectif est atteint dès la 6e, on peut penser que, aux yeux des parents, l’option latin de 5e perde de son attractivité.

– l’organisation même des enseignements de langues peut rendre impossible dans certains cas le fait de prendre l’option latin en 5e, en particulier si les options sont prises au niveau de « sections » et non de « groupes classes », mesures qui sont prises pour éviter la constitution de filières d’élites mais qui ont l’inconvénient de mettre les enseignements optionnels à des horaires dissuasifs.

Avant que cette croissance des classes bilangues, qui peut s’accélérer du fait de la demande sociale, ne porte préjudice à l’enseignement du latin, on pourrait envisager que l’initiation au latin soit faite en 6e et 5e dans une perspective de latin deuxième langue « étrangère », comme en Allemagne. Cette initiation serait faite sur deux ans et pourrait être consacrée à l’acquisition de la morphologie par le biais de l’étude du latin du français. Elle pourrait être poursuivie en 4e ou échangée pour débuter une deuxième langue vivante. L’engagement de départ porterait donc sur 2 ans et non sur 3 comme actuellement, obligation pesante aux yeux de beaucoup puisqu’il s’agit d’une option facultative. Si le latin était une deuxième langue, sa poursuite serait considérée comme normale comme le montre des simulations faites ici. Axée sur la connaissance du latin du français, cet enseignement aurait un but d’approfondissement de la langue française dans ses aspects cultivés, motivation plus profonde que le gout pour l’antiquité qui, selon certains enseignants, ne fonctionne que quand on ne fait pas de latin mais qu’on s’intéresse aux réalités sociales de l’antiquité. Les apports historiques doivent viser à mieux comprendre les textes, et non pas à être, comme faisaient les anciens, le miel que l’on met sur les bords du verre pour faire passer aux enfants une potion jugée amère par beaucoup.

Sed veluti
Mais de même
__________pueris absinthia taetra
__________aux enfants les absinthes repoussantes
_____medentes
_____les médecins
cum
quand
_____dare conantur
_____veulent donner

prius
auparavant
_____oras pocula circum
_____les coupes autour des bords
contingunt
ils enduisent
_____mellis dulci flavoque liquore,
_____d’une liqueur agréable et dorée de miel
__________ut puerorum aetas inprovida ludificetur
__________pour que l’âge imprévoyant des enfants soit trompé

Lucrèce, De natura rerum, livre 1, 936-939

Le prochain billet, dernier avant les vacances d’été, sera exceptionnellement mis en ligne le 13 juillet.


[1] Note d’information 05.26 du men
[2] On trouvera ici une note de deux inspecteurs d’anglais et d’allemand de l’académie de Rennes qui développent ces aspects.
[3] rapport au ministre sur les dispositifs bilangues de Annie Scoffoni et Francis Goullier, juillet 2004
[4] Repères et références statistiques 2010, p.122
[5] les projections sont faites par extrapolation d’un ajustement linéaire sur la période correspondant à la reprise de la croissance de l’allemand, c’est-à-dire de 2003 à 2009


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